Gardien de phare

Héros tragique de la lumière, bravant avec abnégation et courage les éléments déchaînés, le gardien de phare a souvent fait l’objet de légendes et de mythes. Cependant, la dure réalité de son métier et son existence quotidienne sont loin de cette image idéalisée.


L’occupation devient une profession
Les premiers gardiens apparaissent sous l’Ancien Régime. Auparavant, les feux sont allumés par les habitants des côtes ou par quelques moines qui entretiennent, sur les murs de leur abbaye, des feux intermittents. Les gardiens sont recrutés par des compagnies à qui l’État confie par adjudication la gestion des phares. Celles-ci paient très mal leurs employés et ceux-ci économisent leur peine. Quand chaque nuit, il faudrait monter une tonne de bois sur son dos pour entretenir le foyer, le gardien se contente d’allumer le soir et d’aller se coucher. Les navires doivent alors tirer le canon pour le réveiller et espérer avoir un peu de lumière !
En 1792, le service des Balises et des Phares rédige des règlements et demande la tenue de carnets de veille : les gardiens doivent alors savoir lire et écrire. Ils deviennent fonctionnaires en 1839. Agents inférieurs des Ponts et Chaussées en 1853, ils sont dirigés par le gardien-chef et contrôlés par les ingénieurs.
L’entretien d’un phare reste longtemps considéré comme une occupation plus qu’une véritable profession, et la notion de service public n’apparaît qu’à la fin du XVIIIème siècle. Bien que ce soit interdit, beaucoup de gardiens exercent une autre activité : pêche, agriculture, débit de boissons ou artisanat. D’où les difficultés constantes à imposer discipline, ponctualité et assiduité. Pour responsabiliser cette profession, on recrute prioritairement d’anciens militaires et on multiplie inspections, règlements et punitions.


La vie dans les phares
Alors que, jusqu’en 1850, les gardiens logent en dehors des phares ou dans des installations sommaires, les nouveaux phares prévoient des logements pour les gardiens et parfois leur famille. L’obligation de résidence éloigne les familles des villages et des écoles. L’isolement, qui engendre ennui et nostalgie, reste un des problèmes majeurs du gardien, surtout en mer. Certains restent bloqués plusieurs mois dans un tête-à-tête parfois agressif avec leurs collègues. La plupart des "couples" de gardiens fonctionnent bien. La relève, synonyme de délivrance mais aussi d’accidents et de naufrages, est un temps fort de leur vie.



Extrait du chapitre concerné, dans l’ouvrage Mers et Marins en France d’Autrefois, Archives et Culture