Cordier
La fabrication des cordes est une profession secondaire très répandue autrefois : chaque village, voire chaque maison, a souvent son "cordelier". Pour d’autres cependant, c’est là une profession à part entière qui, jusqu’à la seconde moitié du XVIIIème siècle, relève de ficelles artisanales.
Des cordes à toutes les saucesOn range sous le nom de cordiers tous les artisans qui ont le droit de fabriquer et de vendre les cordes et cordages de chanvre, mais aussi de tilleul, de lin et de crin. Installés dans les bourgs, proches des lieux de culture du chanvre, les artisans cordiers travaillent pour répondre aux besoins locaux d’une clientèle privée, urbaine mais surtout rurale et maritime.
Très nombreux sont en effet les artisans tributaires du cordier qui les fournit en cordes et ficelles multiples :
- les entrepreneurs, maçons, peintres, fumistes, plombiers et couvreurs utilisent des cordes appelées chablots pour lier les échafaudages, soutenir les échelles, assujetir les planches de ravalement, ramoner les cheminées ;
- les pompiers, élagueurs et alpinistes se servent de cordes de sécurité ;
- les emballeurs utilisent les cordes dites chapelières. Les seizeines servent à lier les fortes balles et les cordeaux d’emballage, les balles de moindres dimensions. Les gorres sont usitées pour l’emballage spécial de la vannerie ;
- les tapissiers et matelassiers achètent de la ficelle à piquer et à guinder pour la confection de sièges en tapisserie, de la capitonne pour le capitonnage des fauteuils, matelas, coussins ;
- les relieurs se servent de la ficelle grecque, les tisserands emploient pour les métiers Jacquard des ficelles d’arcade ;
- des ficelles en tout genre sont indispensables aux brossiers et chapeliers, bouchers et cuisinières. Elles servent également à confectionner au crochet la corderie de fantaisie, bouses, calottes, blagues à tabac, dessous de lampe, hamacs, carniers. Et quelle est la maîtresse de maison qui ne garde pas précieusement les "bouts de ficelle" ?
Les gros mangeurs de cordesCe sont cependant les agriculteurs et marins qui sont les principaux clients des cordiers. Avant l’apparition des tracteurs, l’usage des cordes est en effet très répandu dans l’agriculture. Un peu partout en France, les cordiers fabriquent des longes, des traits, des licols, des brides et des guides pour les chevaux, des cordes à foin, des sangles pour les bâts. Ils sont aussi très nombreux à fournir en cordages les ports de France : la marine de guerre, de commerce et les pêcheurs sont gros consommateurs de cordes pour le gréement et la manoeuvre des navires. La batellerie emploie les bablues ou cordelles pour le halage des bateaux en rivière. Ce sont encore les cordiers qui filent les ralingues, les filins, le fil pour la fabrication des filets de pêche.
Un atelier tout en longueurL’installation d’un cordier nécessite un vaste espace : la corderie exige une aire de travail étroite et longue de la longueur du fil de caret et de celle des cordes que l’on veut produire : 150, 200, jusqu’à 300 mètres en enfilade.
En général les ateliers sont installés en plein air, le long des fossés d’anciennes fortifications, dans de vieux chemins abandonnés, à la limite des bourgs. Un petit atelier abrite la matière première et les outils et complète les aires de filage et de cordage. Bien que la bonne qualité des cordages exige que l’on ne travaille pas par temps de pluie ou de brouillard, très rares sont cependant les ateliers couverts.
Extrait du chapitre concerné, dans l’ouvrage Les métiers d’autrefois, de Marie-Odile Mergnac, Claire Lanaspre, Baptiste Bertrand et Max Déjean, Archives et Culture.