Coutelier
Couteliers et tonneliers ont le même saint patron : saint Jean-Baptiste. Au-delà de cette association, ce sont des artisanats qui sont morcelés en une multitude de petites fonctions, de petits métiers, et qui sont tous les deux assez durs. La coutellerie se regroupe dans des villes qui en tirent notoriété.
Un artisanat pointuLes objets présentés dans les vitrines des musées d’antiquités témoignent du degré de perfection de l’art de coutelier, dès l’époque gauloise. Le coutelier ne se distingue pas alors du forgeron mais, au Moyen ge, il est pris dans l’inextricable réseau des corporations.
Au XIIème siècle, on distingue les fèvres-couteliers des couteliers faiseurs de manches. Les taillandiers-émouleurs sont chargés de donner le tranchant aux lames et, si le manche doit s’orner de sculptures, il faut s’adresser aux imagiers-tailleurs. Quant aux forces pour tondre les moutons, leur fabrication est l’apanage des forcetiers et l’aiguisage celui des esmouleurs de grande force. L’apprentissage est long : six ans pour les fèvres-couteliers, huit ans pour les faiseurs de manches. Au terme de cette formation, il faut exécuter un chef-d’oeuvre, différent selon chaque ville, pour passer maître. À la fin du XVème siècle, on commence à regrouper les corporations coutelières, auxquelles on adjoint les rémouleurs, ces "gagne-petit". Bientôt, chaque maître est tenu d’avoir son poinçon ou sa marque, déposée en lieu sûr pour éviter toute contrefaçon. Cependant, le système des corporations reste très restrictif et, avant même la Révolution, un édit royal supprime les communautés de métiers.
Une implantation pointilleuseLes villes coutelières sont alors plus nombreuses qu’aujourd’hui : Moulins, Cosne-sur-Loire, Châtellerault, célèbre par les manières énergiques de ses coutelières qui partent à l’assaut des clients au cri de "En faut-il des couteaux, en faut-il mon mignon...". À Langres, Didier Diderot, père de l’encyclopédiste, est réputé pour la qualité de ses instruments de chirurgie. Mais la concurrence de Nogent-en-Bassigny est inquiétante. Au XIXème siècle, Nogent, où les eaux nécessaires pour la trempe sont abondantes, triomphe définitivement de sa rivale.
À Thiers, l’artisanat coutelier se serait installé au XIVème siècle. La "ville noire" est popularisée par George Sand et les innombrables cartes postales représentent l’émouleur couché sur une planche recouverte de peau de mouton, aiguisant sa lame sur la meule placée sous lui. Ces meules doivent être constamment refroidies par un courant d’eau, aussi règne-t-il dans les ateliers, les émolandières, une humidité redoutable. Pour lutter contre le froid, l’émouleur tient son chien couché sur ses jambes.
Des spécialistes à la pelleCes vedettes de la profession ne doivent pas faire oublier les très nombreux spécialistes qui participent à la fabrication des couteaux : les découpeurs qui débitent les lames d’acier (les crampons), les estampeurs, qui jugent si bien à l’oeil la température du métal, les martinaires, qui manient le marteau de forge (le martinet), les trempeurs, qui savent à l’instant voulu plonger le métal dans un bain d’eau et d’huile pour lui donner sa résistance, les polisseurs, qui donnent son lustre à la lame en la frottant sur de la peau de buffle. Il y a aussi les ouvriers qui fabriquent les manches : les cacheurs travaillent les matières premières (corne, os, buis, ébène, nacre, ivoire, argent), les dégraisseurs et blanchisseurs nettoient les os, les scieurs les découpent et les mouleurs fabriquent les moules...
Extrait du chapitre concerné, dans l’ouvrage Les métiers d’autrefois, de Marie-Odile Mergnac, Claire Lanaspre, Baptiste Bertrand et Max Déjean, Archives et Culture.