Poètesse Sapho
Pauvre Bion, quel sort funeste!
Sur ton mirori jette les yeux.
Tu dépéris, plus de cheveux;
L'hiver blanchit le peu qui reste!
Pauvre Bion, te voilà vieux!
Ton front flétri, chargé de rides,
Glace les Ris et les Amours;
Ces Amours si doux, si perfides,
Ils t'abandonnent pour toujours!
-si je vieillis, las! je l'ignore!
Je prend les jours sans les compter.
Ce que je sais, sans me flatter,
C'est qu'en fuyant loin de l'aurore
Qui vit nos premières amours,
On doit jouir bien encore mieux
Du peu qui reste de nos jours.
"Luth divin! réponds à mes désirs; rends tous les sentiments qui magitent! C'est toi-même Calliope......"
O toi! l'ame de la nature,
Source de désirs et de pleurs,
Vénus, venge-moi d'un parjure;
Frappe, partage mes fureurs!
Et vous, Mégère, Tisiphone,
Du Styx pales divinités,
Sur le traitre qui m'abandonne,
Lancez vos serpens irrités!
Que le vautour de Prométhée
Et ronge et dévore son coeur,
Et que son ombre tourmentée
Lasse l'enfer de sa douleur!
Hélas! que dis-je, ô Cythérée!
Non, non, non, épargne mon amant :
Par le désepoir égarée,
Je le maudis en le pleurant.
Qu'il vive heureux, s'il est possible ;
S'il peut oublier nos amours ;
si du remords le cri terrible
Ne poursuit pas ses tristes jours!
Mais, moi, grands dieux! dont l'existence
Ressemble au jour d'un sombre hyver,
Qui devant moi vis l'espérance
S'enfuir plus vîte que l'éclair.
Moi fille, amante infortunée,
Dans l'âge heureux du doux plaisir,
Par les dieux même abandonnéé,
Il ne me reste qu'à mourir!
Et toi, mes amours, ô ma Lyre!
Douce compagne de mes jeux,
Repose-toi : ma muse expire ;
Reçois ici mes longs adieux.
Mourons ; allons au noir rivage :
Heureuse, si dans mon ennui,
De Phaon emportant l'image,
Je peux aux morts parler de lui.
Sapho