Tisserand
Autrefois, les fibres synthétiques n’existaient pas. On travaille la laine, le lin, le chanvre. Le tisserand transforme ces fils en étoffes, mais si rêches et raides quand elles viennent d’être tissées que les dames font porter leurs chemises neuves d’abord par leurs servantes pour les assouplir…
Un métier d’appoint dans les campagnes
Le tissage a longtemps constitué, pour le paysan d’Ancien Régime, un revenu d’appoint non négligeable.
Certains sont les propriétaires de leur outil de travail et produisent directement pour une petite clientèle locale, leurs voisins du village ou des alentours. Ils sont des milliers à travailler ainsi dans toute la France.
D’autres travaillent l’hiver pour des fabricants ou des marchands de la ville qui leur fournissent le fil, parfois même le métier, et les tisserands leur rendent toiles, draps et cotonnades. Une activité qui prend encore de l’essor au XIXème siècle.
Quand les paysans se font tisserandsLes zones rurales sont les plus peuplées là où l’industrie textile est la plus développée, procurant aux habitants des campagnes les ressources complémentaires dont ils ont absolument besoin. En Picardie par exemple, l’industrie cotonnière emploie en 1843, dans un rayon de 50 km autour de Saint-Quentin, près de 25 000 travailleurs à domicile. Dans le pays de Caux, c’est la fabrication des toiles et des cotonnades qui fournit du travail à plusieurs milliers de tisserands de Lillebonne et d’Yvetot. L’industrie lainière de Champagne occupe 50 000 travailleurs, dont les trois quarts dans les campagnes. À Sedan, les deux tiers des ouvriers lainiers sont aussi des ruraux. Quant aux manufactures mulhousiennes, elles emploient vers 1835 plus de 5 000 campagnards auxquels s’ajoutent l’hiver les paysans vosgiens qui tissent des cotonnades pour elles ou des toiles pour Gérardmer. Dans la zone bocagère du Maine et de la Basse-Normandie, le tissage du coton emploie vers 1840 environ 28 500 personnes autour de 12 000 métiers disséminés dans les campagnes.
Un métier de miséreuxLe métier est pourtant rude. On connaît bien, à l’époque, "le teint pâle, l’étiolement, la faiblesse de ces malheureux tisserands à bras qui, chaque jour et pendant quatorze à dix-sept heures, travaillent chez eux, à faire des toiles de coton, de lin ou de chanvre, dans des rez-de-chaussée humides, souvent même dans des caves, où le jour et l’air arrivent à peine, et où le soleil ne pénètre jamais".
Si tel est le sort du tisserand à plein-temps, comme il en existe encore beaucoup au début du XIXème siècle, les autres ouvriers du textile, notamment ceux des fabriques naissantes, sont eux aussi soumis à des conditions de travail éprouvantes.
Le drame de l’industrialisationÀ partir du milieu du XIXème siècle se conjuguent modernisation du filage et déclin de l’industrie toilière. Les revenus des paysans tisserands baissent au rythme de la chute d’activité. Si les nouvelles industries textiles, avec leurs métiers à filer et à tisser mécaniques, se sont établies dans la région, les anciens fileurs et tisserands essaient d’y travailler. Sinon, c’est le chômage total, une baisse du niveau de vie pour les générations les plus anciennes, l’exode rural pour les plus jeunes.
Extrait du chapitre concerné, dans l’ouvrage Les métiers d’autrefois, de Marie-Odile Mergnac, Claire Lanaspre, Baptiste Bertrand et Max Déjean, Archives et Culture.