Antiques légendes de Rome

Arrivés au fait de leur puissance, les Romains se tournèrent vers leur passé pour contempler les origines de leur ville, et ils s'aperçurent qu'ils ne les connaissaient guère... Cela put nous paraîter surprenant, aujourd'hui et, pourtant, pour les Romains de l'époque d'Auguste, leurs ancêtres de la période monarchique étaient des personnages aussi lointains que cexu du Moyen-Age le sont pour nous. De plus, si nous savons beaucoup de choses du Moyen-Age, c'est qu'il en reste de nombreux récits et documents.
Par contre, les Romains préférant l'épée à la plume, les premiers temps de Rome nous sont à peu près inconnus. Mais les légendes circulaient et les écrivains des époques républicaines et impériales eurent le soin de les recueillir. En voici donc quelques-une.

Sous le règne de Tvllivs Hostilivs (673-642), Rome déclara la guerre à Albe-la-Longue, qui, jusque là, avait été la plus grande ville altine. Le roi ennemi était Mettvs Fvffetivs. Il adressa aux Romains ce sage discours : "Nous savons tous que nos voisins, les Etrusques, guettent le moment propice pour nous soumettre, nous, puples latins; cependant, nous sommes en train de nous disputer… Les Etrusques vont assister à note combat comme à un beau spectacle et, quand ils nous verrons affaiblis, ils se jetteront sur nous et nous écraserons sans peine. Pourquoi ne pas vider notre querelle en faisant combattre trois guerriers Albains contre trois Romains?"
Ce raisonnement judicieux fut accepté par Rome qui choisit les trois frères Horaces, tandis qu'Albe désignait les trois Cvriaces.
Les six hommes se mirent aussitôt à se battre entre les deux armées rangées : dès les premiers coups échangés, on vit deux des Horaces tomber, frappés à mort. Des cris de victoire s'élevèrent du camp albain; les romains, attérés, regardaient la défaite de leur meilleurs hommes. Les trois Cvriaces étaient seulement blessés.
Mais le dernier Romain qui subsistait eut une idée géniale qui renversa les chances de la victoire. Pour éviter de se mesurer avec les trois hommes à la fois, il fit mine de s'enfuir; ses ennemis le poursuivirent , mais leurs blessures, plus ou moins graves, les empêchèrent de courir à la même vitesse et tous trois se trouvèrent séparés.
A ce moment là, l romain fit volte-face et affronta l premier poursuivant, qu'il tua. Il attendit le second, qui survenait hors d'haleine et l'abattit sans peine. Quand au troisième, épuisé par la course et les blessures, il lui donna le coup de grâce en disant : "J'ai immolé les deux premiers aux mâmes de mes frères, j'abats maintenant le troisième pour que Rome prévale sur albe-la-Longue!"

Les deux épisodes légendaires que nous allons vous raconter se réfèrent à la période de la guerre menée contre Porsenna, roi de la ville étrusque de Chiusi, qui avait mis le siège devant Rome. Cette guerre se termina pratiquement par la défaite des Romains; peut-être est-ce pour cacher ce triste résultat que les historiens romains se complurent à relater les hauts faits qui la marquèrent.
L'armée étrusque arrivait, décidée à mettre le siège devant Rome, mais le Tibre lui en barrait l'entrée. Un pont en bois, le pont Svblicivs, menait à la rive opposée : les soldats étrusques s'y dirigèrent donc. Ils l'auraient franchi en fort peu de temps si un homme courageux, Horativs Coclès, ne s'était placé en embuscade avec deux de ses amis, prêts à fermer le passage, l'arme au poing. Derrière eux, d'autres soldats se mettaient en devoir d'abattre le pont à coups de hache. Quand il ne resta plus qu'un étroit passage, Horativs ordonna à ses compagnons de se mettre à l'abri, et il resta seul pour contenir l'ennemi. Enfin, quand il entendit le dernier pan du pont d'écrouler, il sa retourna et se jeta tout armé dans le fleuve; en quelques vigoureuses brasses, il gagna la rive opposée malgré la pluie de javelots des ennemis. En signe de reconnaissance, ses concitoyens lui élevèrent une statue sur le Forvm et lui donnèrent autant de terres que pouvait en délimiter une charrue en un jour.

La paix conclue, Rome avait dû remettre à Porsenna quelques otages; ceux-ci devaient rester à jamais prisonniers si les Romains ne respectaient pas les accords. Au nombre des otages se trouvait la jeune Clécie. A la tête de ses compagnes, elle s'enfuit du camp étrusque, passa le Tibre à la nage et rentra à Rome. Cet acte de courage lui valut les éloges du Sénat; cependant, il fallait respecter les clauses du traité, même avec un ennemi : le Sénat ordonna donc que les jeunes filles fussent à nouveau remises au roi Porsenna.
Ces récits de faits de guerre circulaient oralement à Rome. Les légendes sont un reflet des mœurs et peuvent fournir des indices historiques mais il faut plutôt les regarder comme des poèmes épiques et non comme des leçons d'histoire.