Fondeur de cloches

La cloche est au village ce que le pain est aux maisons. Objet coûteux, honoré, voire sacré, elle demeure l’expression vivante d’une civilisation et rythme la vie de la population. Le fondeur de cloches ou saintier, petit artisan itinérant, travaille sous l’œil même des villageois fascinés. Ding !


Les cloches à l’honneur
Le Bas Moyenage voit l’éclosion des cloches aux formes diverses et extravagantes : cylindriques, coniques, trapézoïdales et même quadrangulaires. La plupart sont des cloches à main, dont le poids n’excède généralement pas 10 kilos et la hauteur totale 1,60 mètre. Elles sont sonnées à la main grâce à leur anse en bronze, fixée au sommet par des rivets. Ces premières cloches sont coulées en petit nombre en Écosse et en Irlande, puis en Italie.
Au XIème siècle, le monde chrétien, conforté par les Croisades, encourage la fabrication des cloches. La première fonderie voit le jour à la fin du XVème siècle, en Angleterre. L’ouvrier qui coule les cloches est itinérant. On l’appelle le clavellier, saintier, ou esquillier en Languedoc. Il fond les cloches sur place, à proximité de l’église ou du cloître.
La cloche est un élément indispensable pour tout village et les bourgades tiennent à s’en procurer une par tous les moyens. Dans cette attente, c’est au campanier du village d’annoncer les baptêmes et décès en agitant, sur la place principale du hameau, une clochette. La coutume de signaler le passage d’un cortège funèbre s’est conservée jusqu’au début du XXème siècle et le clocheteur des trépassés, vêtu de noir, précède le char du défunt en agitant une sonnette. La cloche rythme la vie de la population en sonnant à l’aube, à midi et le soir, l’angélus, mais aussi en signalant les événements : baptêmes, décès, processions ou en appelant les habitants à lutter contre un incendie ou une épidémie. La cloche a ses heures de gloire, annoncant des fêtes chrétiennes ou la naissance d’un prince héritier, mais sème aussi ses désastres.
Les cloches font partie intégrante du paysage français et, en 1370, on connaît quatre variétés de cloches : la cloche à l’église, l’esquelle au réfectoire, le timbre au cloître, le nole au choeur et la nolette dans l’horloge.


Le fondeur au travail
La décision d’avoir une cloche étant prise, le curé fait appel à un ouvrier. Mais la moindre cloche coûte cher et rares sont les paroisses capables d’en supporter entièrement les frais. Aussi, les paroissiens contribuent à sa fabrication en apportant, selon leurs possibilités, vieux sous, clous, suif de mouton, chanvre ou poil de chèvre, bois... À tous ces matériaux hétéroclites, l’ouvrier ajoute du vif argent ou du borax (salpêtre utilisé comme liant). L’homme travaille à même la terre battue protégeant seulement son aire de travail de la pluie à l’aide d’une toiture de fortune.
Les villageois délaissent leurs occupations pour assister à l’élaboration de leur cloche. Le fondeur fabrique devant tout le monde le moule de la cloche en mêlant la terre au crottin de cheval, au chanvre ou, selon les régions, au poil de chèvre ou de vache. L’homme est logé et nourri, soit à la cure si l’église a les moyens, soit chez l’habitant.



Extrait du chapitre concerné, dans l’ouvrage Les métiers d’autrefois, de Marie-Odile Mergnac, Claire Lanaspre, Baptiste Bertrand et Max Déjean, Archives et Culture.