Marchand fermier
Le marchand fermier de l’Ancien Régime occupe le haut de la hiérarchie sociale paysanne : c’est un adjudicataire qui, moyennant une somme annuelle, achète au seigneur - souvent absent - l’exploitation de ses droits et lui épargne l’embarras et la difficulté de la perception.
Un loup pour le paysanLe fermier est un personnage important des campagnes de l’Ancien Régime. Il prend à ferme les terres des seigneurs puis les morcelle pour les sous-louer. Beaucoup de nobles ayant quitté leur château, le fermier gère à leur place le domaine et reçoit le droit de percevoir la dîme et les autres redevances, moyennant une rente annuelle à leur verser. S’il devient fermier général, il habite même le château. Il peut ainsi affermer seigneuries, prieurés, moulins...
Comme le marchand fermier souhaite une opération rentable, il s’abat souvent trop fort sur les paysans auxquels il sous-loue les terres. "C’est un loup ravissant, dit Renauldon, que l’on lâche sur la terre, qui en tire jusqu’aux derniers sous, accable les sujets, les réduit à la mendicité, fait déserter les cultivateurs, rend odieux le maître qui se trouve forcé de tolérer ses exactions pour le faire jouir." Les cahiers de doléances de 1789 seront nombreux à dénoncer leur âpreté au gain et leur dureté, au point que le duc d’Aiguillon se sentira obligé de préciser, le 4 août, que "les propriétaires des fiefs, des terres seigneuriales, ne sont que bien rarement coupables des excès dont se plaignent leurs vassaux mais que leur gens d’affaires sont sans pitié".
Du laboureur au marchand fermierCe mouvement général de cumul des fermes qui va transformer les laboureurs les plus fortunés en fermiers receveurs de seigneurie est général à la fin du XVIIIème siècle. La plupart de ces laboureurs devenus fermiers louent par baux de neuf ans de vastes unités d’exploitations supérieures à 100 hectares, en particulier des domaines seigneuriaux. En Île-de-France, une soixantaine dépassent les 200 hectares. Le plus gros, Charles Petit, maître de la poste de Juvisy et fermier de la sei-gneurie de Savigny, exploite 428 hectares avec son fils.
Ce phénomène lamine les couches moyennes de la paysannerie, écartées du marché agricole. Si ce mouvement répond peut-être à la hausse de la rente foncière des années 1750-1770, il ne fait qu’intensifier une pratique déjà ancienne. En 1680, Pierre Courtier réunissait déjà à Charmentray les fermes des Incurables à celle de Saint-Faron, soit plus de 250 hectares.
Le capital d’exploitation constitue, après les récoltes, l’essentiel de la fortune de ces fermiers, même si les plus riches ont investi dans la terre bien avant la vente des biens nationaux.
Extrait du chapitre concerné, dans l’ouvrage Les métiers d’autrefois, de Marie-Odile Mergnac, Claire Lanaspre, Baptiste Bertrand et Max Déjean, Archives et Culture.