Négrier, armateur
Le terme de «négrier» a plusieurs sens et qualifie aussi bien les armateurs spécialisés dans le trafic du «bois d'ébène» (les Noirs) que les capitaines-négriers ou encore les navires-négriers. Chaque catégorie fait ici l’objet de chapitres distincts.
Au début : un souci d’évangélisationL'armateur négrier pratique la traite, née dès le XVème siècle au Portugal, du temps des Grandes Découvertes, sous l'égide de l'infant Henri le Navigateur. Les premières captures sont méticuleusement rapportées par Zurara (1446) dans sa Chronique de Guinée.
Au XVème siècle, le Noir n'était qu'un «autre fils d'Adam» (Zurara), et les contemporains de dom Henrique étaient plus désireux de le découvrir que de le capturer.
Mais, pour que ce Noir puisse évangéliser ses semblables, pour qu'il leur apprenne à cacher «leurs parties honteuses», pour qu'il les incite à se vêtir à la chrétienne et à se convertir au christianisme, le Portugais débarqué le long des côtes africaines (de 1415 : prise de Ceuta, à 1487 : dépassement du cap de Bonne Espérance), se mit à courir sur la plage pour capturer cinq à dix Noirs, jeunes gens munis de javelots empoisonnés et belles adolescentes endormies. Dans les premiers temps, ces Noirs conduits au Portugal servirent d'interprètes et furent parfois ramenés en leur pays d'origine une fois devenus chrétiens ou prêtres.
Quand l’appât du gain se fait jour...Mais, peu à peu, l'appât du gain se substitua à la volonté initiale d'évangélisation : aux interprètes initiaux succédèrent les captures en masse de plusieurs dizaines de Noirs destinés à être vendus sur les marchés aux esclaves de Lagos et de Lisbonne à partir de 1440/1446.
Devant les familles séparées, devant les couples disjoints, devant les mères éplorées à la pensée de ne jamais revoir leurs enfants arrachés de leur sein, Zurara se tut (1446) et ce n'est pas un hasard s'il cesse d'écrire au moment où les premiers Noirs sont vendus au Portugal sur des places destinées à devenir, comme en France, des «marchés aux cannibales».
La traite naît, surtout après 1492, lorsque les Indiens du Nouveau Monde se retrouvent décimés par le choc des civilisations qui suit les découvertes colombiennes. Qui a inventé la traite ? Les Portugais ? Les Castillans ? Les Ibériques ? Ou l'Anglais Hawkins, hypothèse que rejettent fermement les Britanniques qui font valoir que Hawkins était de mère dieppoise... Là n'est pas la question. Le commerce de l'homme est ancien, antique, médiéval, et, des siècles durant, l'homme fut le principal «moteur» dans la plupart des activités économiques (le travail de la terre), ou artistiques (l'érection des pyramides).
L’armateur négrier : un riche négociantLe négrier n'est donc pas un bourreau, encore moins un bourreau volontaire. C'est un négociant qui inscrit (tragiquement certes) son activité au sein d'autres activités négociantes, notamment à Bordeaux, Nantes ou La Rochelle, mais aussi à Marseille (tel Roux de Corse, à la fin du XVIIIe siècle).
Extrait du chapitre concerné, dans l’ouvrage Mers et Marins en France d’Autrefois, Archives et Culture