Pailleur, rempailleur
Les pailleurs et rempailleurs, tout comme les ramendeurs, rémouleurs, ramoneurs, ne peuvent vivre de leur travail. Mais cette activité, apparue dans le Sud au XIVème siècle, fournit un complément appréciable pour les gens de la campagne et une assise confortable pour ceux de la cour…
A l’origine, la pailleLa paille existe depuis toujours. Polyvalente et omniprésente, elle joue un rôle considérable dans la vie quotidienne, comme aliment, combustible, construction, literie, jeu... L’idée d’utiliser ce matériau comme garniture de siège semble remonter à la fin du XIVème siècle, dans le Midi, puis cette innovation se diffuse rapidement dans les pays d’oïl. Au XVIIIème siècle, la cour adopte le paillage et, suivant l’exemple royal, toute la noblesse veut alors posséder des chaises et banquettes en paille... On se les arrache moyennant grande quantité d’espèces sonnantes.
Métiers "de rien", métiers d’appointLe chaisier-pailleur fabrique entièrement les chaises ou les banquettes. Le rempailleur, lui, a en charge la réfection des sièges en paille. Pour cela, cet itinérant propose souvent ses services de maison en maison au cri de "Rempailleur de chaise, voilà l’rempailleur !". Il porte toujours sur lui une aiguille à pailler, ainsi que de la paille de seigle, tressée de différentes façons. Il s’installe devant la maison et reprise dossiers et fonds de chaise. Petit artisan rustique, muni de quelques outils, il ne voit le monde que de dos ou de derrière, ce qui ne l’empêche pas de mettre les gens sur la paille... À ne pas confondre avec le pailleur, celui qui vend et porte la paille dans les maisons où il y a un équipage.
À l’origine, les pailleurs ne se cantonnent pas uniquement à cette occupation. Pratiqués par les gens de la campagne, le paillage et le rempaillage occupent les mains durant les longs mois d’hiver où la terre sommeille. Le produit fini permet le troc ou, mieux encore, quelque liquidité toujours bienvenue dans les milieux désargentés.
L’apparition de la fonction en tant que métier se fait sans heurts. Pendant trois siècles, aucune loi, aucune obligation, aucun apprentissage, et donc pas de corporation ni de compagnonnage, ne règle le métier, laissant aux artisans une véritable liberté d’action.
À partir du XVIIIème siècle toutefois, les fonctionnaires royaux des États du Languedoc, toujours en quête de fonds, exigent de ces travailleurs une redevance.
Un artisanat sur la pailleLe métier stagne jusqu’au XIXème siècle où les sièges en paille cèdent la place aux sièges en métal, au moins dans les lieux publics. Seules les églises s’accrochent durablement à ce matériau, symbole associé à la naissance de Jésus.
Avec l’engouement pour les meubles traditionnels, la paille revient en force sur le marché, et l’industrie s’en empare. La machine ne permet toutefois pas d’obtenir le cachet des artisans.
Extrait du chapitre concerné, dans l’ouvrage Les métiers d’autrefois, de Marie-Odile Mergnac, Claire Lanaspre, Baptiste Bertrand et Max Déjean, Archives et Culture.