Pêcheur à la baleine
Au Moyen ge, la baleine est classée parmi les poissons… ce qui permet à toute une activité de pêche à la baleine de se développer, car la consommation de sa chair est acceptée les jours maigres, tout en restant un "lard" luxueux…
Une pêche mouvementéeLes techniques de pêche à la baleine médiévales sont pour le moins surprenantes. Après avoir repéré des bancs au large, l’essentiel est de les faire se rapprocher le plus près possible des côtes : une baleine morte au fond de l’océan ne sert à rien, il faut impérativement la faire échouer sur une plage pour pouvoir l’exploiter, ou au moins l’avoir amenée assez près pour pouvoir la remorquer. Or le moyen utilisé pour les entraîner vers le littoral est… la musique ! Les baleines sont des animaux "chanteurs", les marins montés sur leurs barques font donc retentir un concert de timbales et instruments divers. Et il semble que cela marche !
Une fois la baleine près des côtes, "les pêcheurs lançaient le harpon au bout d’une longue corde et s’éloignaient vite pour fuir la colère de l’animal frappé qui gagnait les profondeurs. Cherchant à se dégager du fer par des mouvements désordonnés, il élargissait sa plaie et revenait à la surface pour mourir sous les coups de pique des matelots. On le liait avec des cordages et on le remorquait à terre à force de rames." (Mollat, Histoire des pêches maritimes en France). L’animal est ensuite débité sur la plage. La chair destinée à la consommation est acheminée vers les terres, découpée en gros morceaux dans des barils et fortement salée.
L’exploitation de la baleineChaque individu adulte donne en moyenne 20 tonnes de viande et 5 tonnes de lard qui servent, fondues sous forme d’huile, à l’éclairage. On utilise même les fanons pour faire bouffer les manches des habits, "baleiner" les corsets à la Renaissance et… rendre plus résistants les casques des soldats. La baleine est exportée vers l’Angleterre dès le bas Moyen ge ; en 979 les marchands de Rouen livrent du craspois à Londres.
Les religieux, qui doivent manger maigres par vocation, sont particulièrement intéressés par le "lard de caresme" : à Dives-sur-Mer, les abbés de Fécamp et de Caen entretiennent une petite flotte baleinière. La langue est le morceau de choix par excellence, le plus prisé ; depuis le Cotentin, l’abbé de Marmoutier le fait transporter vers ses prieurés de Bretagne sur une charrette tirée par trois bêtes.
Pour transformer la graisse en huile, toute une industrie se crée, sur la côte basque et aussi, plus tard, à Terre-Neuve où l’on va pêcher la baleine dès la Renaissance : des dizaines de fourneaux servent à faire fondre le lard, et tournent pendant tout l’été.
Au milieu du XVIIème siècle, on se met même à fondre le gras de baleine directement sur le bateau : la méthode présente de nombreux avantages économiques, essentiellement parce que cette technique évite la très coûteuse construction de fours à terre.
Extrait du chapitre concerné, dans l’ouvrage Mers et Marins en France d’Autrefois, Archives et Culture.