Sabotier
Dans les campagnes, tout le monde porte sabots, sauf parfois les enfants qui vont nu-pieds. Une situation qui va durer jusqu’au milieu du XXème siècle, il n’y a pas si longtemps... Le métier de sabotier reste pourtant un métier de pauvre, que l’on pratique en forêt et qui nourrit mal.
Sabots des forêtsLes paysans d’autrefois font parfois leurs sabots eux-mêmes : après tout, la matière première est à portée de main - de pied pourrait-on dire - et la forme n’est pas si difficile à tailler. Ce métier reste pourtant l’un des principaux artisanats de l’Ancien Régime. Seul le sabotier connaît l’art de bien les sculpter, de les garnir de cuir ou de les clouter pour les renforcer.
Les sabotiers les plus pauvres travaillent dans la forêt, transportant établi, cabane, famille et basse-cour au gré des coupes. Ils vivent là tout ou partie de l’année, choisissant leur bois (noyer, aulne, pin, bouleau... mais surtout vieux et sain), le dégrossissant, en ébauchant la forme et en creusant les sabots. Ensuite, il faut laisser le bois sécher. Femmes et enfants participent au travail en ramassant des fagots et en allumant le feu.
Les travaux de finition sont effectués au village, où les sabotiers les plus aisés ont une échoppe. Les autres vendent leurs produits sur les marchés, mais aucun sabotier ne vit confortablement de la vente de ses sabots.
Sabots de fêteLes artisans sont les maîtres de l’ornementation des sabots. Mais les paysans décorent aussi leurs sabots de fête au cours des longues veillées d’hiver, une tradition particulièrement vivace dans les régions de montagne. On y dessine souvent des motifs géométriques et on passe le bois au brou de noix pour le colorer et en masquer les imperfections.
La fabrication des sabots Une fois le bois choisi, l’artisan le débite à la hache, qui lui sert aussi à dégrossir la pièce et à ébaucher la forme générale du sabot. C’est avec la scie qu’il prépare la semelle, avant d’assurer les finitions avec une herminette (petite hache au manche fixé perpendiculairement à la lame). Il faut ensuite creuser le sabot, là où le pied doit trouver sa place. L’artisan pratique la taille sur un petit billot de bois bien calé entre ses jambes. Il esquisse le trou avec une vrille, une tarière ou bien encore un outil qu’on appelle l’amorçoir. Puis il creuse la cavité avec des cuillers à lames très tranchantes et de différentes tailles, employées successivement au fur et à mesure de l’avancée de la percée.
Pour adoucir le bois à l’intérieur du sabot et qu’il ne reste plus ni bosses ni rugosités pouvant blesser le pied, le sabotier utilise un boutoir, c’est-à-dire une lame effilée en demi-cercle, emmanchée au bout d’une barre qu’il fait tourner pour bien râper et lisser la forme intérieure. Il se sert aussi d’une ruine, une très fine lame courbe, pour les finitions.
Pour l’extérieur, il assure la forme définitive avec un paroir, longue lame souvent fixée à l’établi. Il ne reste plus ensuite que les finitions : la fixation d’une bride en cuir (on l’effectue souvent au dernier moment, sur le pied du client, pour mieux ajuster le sabot), la pose de clous sous la semelle pour renforcer le bois qui s’use vite sur les chemins caillouteux, mais parfois aussi le dessin sur le sabot des ornementations (frises dans le bois, petites rainures réalisées avec une rainette).
Extrait du chapitre concerné, dans l’ouvrage Les métiers d’autrefois, de Marie-Odile Mergnac, Claire Lanaspre, Baptiste Bertrand et Max Déjean, Archives et Culture.