Scieur de long
Scions du bois pour la mère Nicolas... Bien loin de cette petite scie la vie pleine de nœuds du scieur de long qui débite, de longues journées durant, des billes dans le sens du fil. Au cœur des forêts, du froid et de l’effort, un crève-corps pour ces nombreux migrants, patients et endurants.
Scieurs sédentaires, scieurs itinérantsAu temps où les planches se nomment des ais, les scieurs de long sont des soyeurs d’ais. La technique est déjà pratiquée sous l’Antiquité romaine. Elle traverse les siècles jusqu’au début du XXème siècle. Les scieurs de long ont des origines et des modes de vie diverses.
- Les sédentaires travaillent à proximité de leur domicile, pour la journée, parfois pour la semaine. Les hommes exercent ce métier de génération en génération et la main-d’œuvre locale est suffisante.
- Les itinérants, souvent parents, vont dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres autour de leur village, à l’intérieur de l’arrondissement. Sur leur passage, on les reconnaît avec leur besace sur l’épaule et leur outillage. Ils travaillent à façon chez les particuliers, les petits artisans et les fermiers : une pile de rondins, bien entassés dans un coin de la cour les attend. Hommes connus et reconnus, on leur offre le gîte et le couvert. Une fois leur travail achevé, ils s’en vont frapper à une autre porte, toujours à pied. Généralement, ils sont scieurs à la mauvaise saison et paysans lors des beaux jours.
- Les ambulants parcourent inlassablement les campagnes à la recherche d’une opportunité. Sans attache familiale ni résidence fixe, ils espèrent être nourris, hébergés ou mieux recevoir quelques pièces.
- Les immigrants, chassés de leur pays pour des raisons économiques ou politiques, et les migrants ou émigrants, essentiellement du Massif central, s’ajoutent aux gens du pays, vidant des communes entières.
Tous ces hommes vont à la scie par nécessité et non par goût du voyage. Le climat, avec des hivers neigeux et sans fin, contraint ces paysans montagnards à une trop longue période d’inactivité. À ces laboureurs se joignent de modestes commerçants et artisans.
Le quotidien sur un chantier : sur les dentsAvec ses sabots, sa modeste tenue (pantalon de velours, traditionnelle blouse bleu foncé, grand chapeau ou vaste béret), son baluchon avec quelques rechanges et bien sûr quelques outils (haches, limes, chaînes, passe-partout et grande scie démontée), le scieur prend la route à pied, parcourant des centaines de kilomètres, par étapes.
Les gars qui travaillent en ville se réunissent pour louer une chambre à moindre frais dans le quartier ouvrier. En milieu rural, s’ils ne sont pas logés par l’employeur, le plus souvent, ils se construisent des cabanes plus miséreuses les unes que les autres sur le lieu du futur chantier. Ces constructions de fortune doivent être étanches pour les prémunir des intempéries et des bêtes sauvages. Les poêles ne sont pas légion et souvent le chauffage provient du feu à l’âtre : après une journée de dur labeur, le scieur a besoin d’un peu de chaleur pour réchauffer ses membres engourdis et sécher ses vêtements. Parfois, le froid est tel que les scieurs doivent battre en retraite. Le mobilier est des plus sommaires. La nourriture est frugale mais nourrissante pour ces travailleurs de force. La célèbre soupe du scieur de long, dans laquelle la cuillère tient debout, est de rigueur…
Extrait du chapitre concerné, dans l’ouvrage Les métiers d’autrefois, de Marie-Odile Mergnac, Claire Lanaspre, Baptiste Bertrand et Max Déjean, Archives et Culture.